Formation des policiers

La formation est la pierre angulaire de la profession policière. Au Québec, nous avons la chance d’avoir un modèle de formation incroyable, qui peut faire rougir le reste de l’Amérique du Nord. Il faut être fier de la formation de nos policiers, car en plus d’être diversifiée, elle allie la théorie et la pratique. Après 3 ans au Cégep en technique policière où sont enseignés les fondements théoriques de la profession, les aspirants policiers se dirigent vers l’ENPQ pour une formation de 15 semaines qui leur permet de mettre en pratique les enseignements reçus au cégep.

Malgré la très grande qualité de la formation offerte aux aspirants policiers, nous sommes d’avis que quelques améliorations clés pourraient avoir un impact important sur la qualité du service offert à la population.

Nous pouvons affirmer sans trop de gêne que la formation initiale des aspirants policiers québécois est la meilleure en Amérique du Nord. C’est probablement pour cette raison que les interventions policières se passent généralement beaucoup mieux ici, que chez nos voisins du sud. En effet, c’est moins d’un pour cent des interventions policières faites en sol québécois qui sont enquêtées par le BEI ou la déontologie. Une fois que cette constatation est faite, il faut se poser la question suivante : qu’est-ce qu’on pourrait faire encore mieux?

D’abord, le milieu de l’éducation a un travail important à faire afin d’attirer plus de jeunes d’origines ethniques variées dans les programmes de techniques policières. Nous sommes d’accord qu’il est anormal que la Ville de Québec soit incapable de recruter un policier noir dans ses rangs, mais le problème c’est qu’il n’y a pas suffisamment de personnes noires qui choisissent la technique policière pour combler les besoins des corps policiers. Un corps policier n’a pas d’autre choix que de recruter au sein d’un bassin de personnes préalablement formées.

Dans la grande majorité des cas, le peu d’aspirants policiers issus de la diversité qui graduent de l’ENPQ ont déjà une promesse d’embauche du SPVM avant de terminer leurs études. Il faut donc améliorer le processus de recrutement des cégeps afin que ceux-ci mettent de l’avant le programme de technique policière auprès des personnes issues de la diversité. Le gouvernement du Québec devrait financer une campagne de recrutement auprès de ces communautés pour les prochaines années afin de combler le retard de plusieurs corps policiers. Les corps policiers n’ont pas à porter seuls le fardeau du recrutement, il faut être conscient que ça commence sur les bancs d’école. Plus il y aura de jeunes issus de la diversité qui seront formés comme policiers, plus il y en aura dans les rangs des corps policiers. L’augmentation du nombre de femmes au sein des corps policiers est probante quant au rôle que les institutions d’enseignement peuvent jouer à ce sujet.

Nous croyons aussi qu’il faut soutenir la mise en place de la police communautaire dès le cégep. C’est pour cette raison que nous sommes en faveur d’initiatives scolaires qui permettront aux aspirants policiers d’embrasser le modèle avant de débuter leur carrière policière. Le modèle de police communautaire permet de s’assurer la confiance du public, tout en prévenant la criminalité et les méfaits par des actions de proximité en amonts. C’est de cette façon dont il faut envisager le travail policier pour les prochaines décennies.

Nous croyons aussi que la formation initiale en patrouille-gendarmerie à l’ENPQ représente une occasion rêvée pour permettre un échange entre les aspirants policiers autochtones et allochtones. Les dernières années nous ont confrontés à trop d’histoires qui mettent en relief un manque d’échange avec les peuples autochtones. Il est plus que temps de mélanger les cohortes pour permettre ce nécessaire échange culturel et faire évoluer les perceptions de tous dans leurs relations entre allochtones et autochtones.

Il est aussi temps que la facture des étudiants autochtones soit la même que les autres lors du passage à l’ENPQ. Déjà que la facture d’environ 10 000 $ est importante pour un étudiant qui vient de terminer sa technique policière, il est étrange qu’un aspirant policier issu des Premières Nations doive payer près du triple pour sa formation à l’ENPQ. Le gouvernement du Québec a aussi un rôle à jouer sur cette question et devra investir pour s’assurer que la facture soit la même pour tous. Selon la Fédération étudiante collégiale du Québec, le coût de cette mesure est d’environ 170 000 $ par année, c’est trop peu pour ne pas mettre fin à cette iniquité.

Le mariage entre formation théorique et simulation pratique outille à merveille nos aspirants-policiers. À cet égard, nous sommes d’avis qu’il faut répéter cette logique en matière de formation continue des policiers. Selon nous, les formations en ligne devraient être accompagnées, autant que possible, par des simulations à l’ENPQ afin que les policiers puissent recevoir une rétroaction directe de la part de formateurs expérimentés.

Selon nous, il faut contraindre les corps policiers à envoyer tous les policiers, incluant les officiers, à la mise à jour du patrouilleur tous les 5 ans. Nous avons récemment eu vent de l’histoire d’un policier qui a près de 30 ans de carrière et qui n’a jamais suivi cette formation parce que son employeur ne l’a jamais envoyé la faire. Il faut que ça cesse. Plusieurs services de police ont montré leur incapacité à maintenir la formation des policiers à jour, le gouvernement doit agir et imposer la mise à jour du patrouilleur aux corps policiers. Il s’agit sans contredit d’un problème que la révision du financement des services de police peut contribuer à régler.

Nous pensons qu’il est temps de revoir la formation des enquêteurs afin de mieux les préparer à entrer en relation avec les victimes. Les trois récentes vagues de dénonciations que le Québec a connues nous ont appris que les victimes de violences à caractère sexuel ne se sentent pas bien épaulées par les forces policières lorsqu’elles viennent dénoncer leur agresseur. Nos enquêteurs font du mieux qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont à leur disposition, mais il est temps de mieux les outiller pour faire face aux besoins de la population et des victimes.