Financement des corps policiers municipaux

 

Depuis près de 20 ans, il y a une grave iniquité qui frappe les résidents et résidentes de municipalités qui disposent de leur corps policier municipal. Ces personnes assument l’entièreté du coût de leur corps policier municipal avec leurs taxes municipales et subventionnent les dessertes de la SQ dans les villes voisines. Elle est là l’injustice : les villes ayant droit aux services de la SQ reçoivent une subvention de 50 % du coût de la desserte. C’est pour cette raison que nous avons envoyé un message clair au gouvernement en 2019 : la priorité dans le financement des services policiers doit être l’équité entre les citoyens et citoyennes. #PrioritéÉquité

Il ne faut pas négliger l’impact que ce système à deux vitesses a eu sur la mise en place de l’approche de police communautaire. Tant que cela perdurera, l’histoire nous a montré que les villes feront des choix en fonction de l’argument économique, plutôt que selon le type de service. 

Il existe, à l’heure actuelle, deux types de desserte policière pour les municipalités du Québec : les corps policiers municipaux et la SQ. Bien que l’ensemble des policiers doivent passer par l’École nationale de police du Québec (ci-après : « l’ENPQ ») pour pratiquer la profession, ce qui garantit que tous sont formés selon les mêmes standards, les structures organisationnelles font en sorte que les deux services sont complètement différents. Le plus désolant, c’est qu’un des deux services n’est pas financé par le gouvernement du Québec.

Lors de la mise en place du règlement sur les sommes payables par les municipalités à la SQ, le gouvernement en a profité pour créer une subvention afin de soutenir les municipalités qui n’ont pas toujours les moyens de payer une grosse facture pour les services policiers. Or, cette subvention a eu pour effet direct de voir diminuer drastiquement le nombre de services policiers municipaux, passants d’environ 130 à 30 et de limiter le déploiement de corps policiers communautaires.

Il est tout à fait normal pour des municipalités de chercher à réaliser des économies afin de boucler le budget à la fin de l’année. N’oublions pas qu’elles ne sont pas autorisées à faire de déficit en vertu de la Loi sur les cités et les villes. Donc, lorsqu’elles ont l’opportunité de transférer leur desserte policière à la SQ pour bénéficier de la subvention, l’histoire nous a montré qu’elles n’hésiteront pas à en profiter. Le problème, c’est qu’une desserte de la SQ coûte plus cher et le service, comme nous le démontrerons dans la section suivante dédiée à la police communautaire, est moins adapté aux défis qui se présentent et se présenteront au monde policier du 21e siècle. Nous savons qu’il est primordial pour les forces policières de se rapprocher de la population afin de construire un lien de confiance durable. La réussite du modèle de police communautaire dépend des personnes revêtant l’uniforme de policier qui décident de s’installer de façon permanente et de devenir membre à part entière de la communauté qu’ils et qu’elles desservent, ce qui n’est pas possible au sein de la méga structure de la SQ qui encourage la mobilité de ses effectifs entre différents territoires.

Pour illustrer le problème du système de financement à deux vitesses, prenons le cas de la Ville de Mont-Tremblant, d’autant plus qu’il est d’actualité. En 2018, le service de police municipal a coûté, selon le rapport financier, 7,7M$. Bien qu’il soit clair que la motivation principale de la ville soit de se débarrasser du conflit de travail qui règne au poste depuis deux ans1, elle est fière de dire publiquement qu’elle en profitera, par la bande, pour diminuer la facture des services policiers. Pour la même année, si l’on applique les différentes formules de calcul de coûts et de subventions prévues au Règlement sur la somme payable par les municipalités pour les services de la SQ, la desserte aurait coûté 4,9M$2 à la Ville de Mont-Tremblant si elle avait été effectuée par la SQ. À prime abord, on peut penser qu’il y a une économie, mais la desserte aurait réellement coûté 9,3M$ puisqu’il faut compter la portion payée par le gouvernement du Québec via sa subvention. Ainsi, pour permettre à la Ville de Mont-Tremblant de réaliser une économie de 2,8M$ dans son budget, nous devons collectivement assumer la différence de 4,4M$. Il est là le problème avec le système à deux vitesses créé par la subvention. L’exemple de Mont-Tremblant se répète ailleurs au Québec.

En ce sens, il est beaucoup plus juste et efficace de financer équitablement tous les services de police du Québec.

Faisons le même exercice avec deux autres villes, soit Bromont et Granby. Si la Ville de Bromont décidait d’aller à la SQ, le coût total de sa desserte policière passerait de 3,9M$ à 4,6M$. N’oublions pas que la municipalité pourrait économiser 1,4M$ par année simplement en choisissant d’être desservie par la Sûreté du Québec, mais Québec devrait assumer 2,1M$ pour cette desserte.

Dans le cas de la Ville de Granby, la différence est encore plus importante. Alors que le service de police municipal coûte 12,4M$ par année, la facture passerait à 15M$ si la ville obtenait l’autorisation de passer à la SQ. Ce cas est très concret, puisque la ministre de la Sécurité publique s’était dite ouverte à cette possibilité en décembre 2018 lorsque la municipalité estrienne avait réclamé une aide financière de Québec pour son corps policier municipal. Il faudrait donc collectivement assumer une subvention de 5,9M$.

La comparaison peut aussi se faire quand on prend le coût total de la police municipale. Pour les trente (30) services de police, la facture représente 1 744M$. En appliquant la formule pour déterminer le coût d’une desserte de la SQ à chacune des villes, puis en faisant un petit ajustement3 pour les services de police municipaux de niveau 3 et plus, on réalise qu’il coûterait environ 2 milliards $ pour que la SQ desserve l’ensemble des villes du Québec.

Donc, si nous appliquons à l’extrême la logique exprimée pour le cas de la Ville de Granby à l’ensemble des villes du Québec, on ferait augmenter la facture totale de la police au Québec d’environ 200M$ par année. Ce n’est pas réaliste, le Québec n’aurait pas les moyens de payer cette augmentation.

Bon an, mal an, la couverture policière coûte environ 2,8 milliards $ au Québec. Grossièrement, le budget de la SQ représente environ 1,1 milliard $, celui du SPVM 772,6M$ et les autres corps policiers se partagent les 971,7M$ restants. Si l’on décortique le Rapport annuel de gestion 2017-2018 de la SQ, on réalise que les municipalités paient ensemble 324M$. Le gouvernement du Québec, quant à lui, assume maintenant 319M$ pour la subvention aux municipalités et 379M$ dédiés aux services de niveau 2 à 6 de la SQ ainsi qu’au contrôle des armes à feu.

Plusieurs solutions pourraient être envisagées pour mettre fin à l’iniquité dans le financement des services policiers. Nous croyons que la mesure la plus efficace pour atteindre cet objectif serait de financer, selon la capacité de payer du gouvernement, le niveau de service 1 qui, en conformité avec la LP, est offert par tous les corps policiers du Québec. Il est important de noter que les services de desserte de la SQ qui sont financés par le gouvernement sont tous des services de niveau 1.

Pour ce faire, le gouvernement du Québec aurait simplement à se baser sur le coût annuel moyen d’un policier généraliste, soit un peu moins de 200 000$4, à multiplier ce montant par le nombre de policiers affectés à offrir les services de niveau 1, puis à appliquer la subvention. La formule pour calculer la subvention pour chacun des corps policiers municipaux pourrait être :

(Coût moyen d’un policier généraliste X Nombre de policiers affectés aux services de niveau 1) X Subvention en %

Selon la LP, le niveau de service minimal est le niveau 1 et il représente la très grande majorité des interventions effectuées sur le terrain. En ce sens, il est logique pour le gouvernement du Québec de financer les services policiers de cette façon, plutôt que sur la base du type de desserte, puisque l’ensemble des villes ont besoin des services de niveau 1. Au lieu d’encourager un système inefficace à deux vitesses, le gouvernement serait en mesure de rétablir l’équité et d’encourager la mise en place de services policiers communautaires, ce qui répond aux demandes de la population. Nous en parlerons plus en détail à la prochaine section, mais il est important de comprendre que sans la participation du gouvernement, le déploiement de ce service est compromis.

Le plus important, c’est de mettre fin à l’iniquité pour que les villes puissent choisir le type de desserte policière qui leur convient le mieux, sans avoir à choisir entre la subvention ou un service de police communautaire de proximité non subventionné.

Nous avons fait la démonstration qu’une desserte de la SQ coûte plus cher qu’un corps policier municipal. Il faut maintenant choisir entre le statu quo qui entretient une iniquité ou aller de l’avant pour soutenir l’ensemble des villes et leurs citoyens qui, pour le moment, se retrouvent à payer 100 % de la facture de police de leur ville via les taxes municipales et 50 % de la facture de la police pour les villes voisines qui ont droit aux services de la SQ par leurs impôts.

Les règles gouvernant l’organisation des services policiers peuvent certes être revues, sans tout chambarder et conduire au bradage de nos corps de police municipaux, comme ce fut le cas en 2001.

Il n’est pas normal que les villes desservies par la SQ soient financées à hauteur de 50 % du coût des services de premier niveau qui leur sont dispensés, alors que les villes dotées d’un corps de police municipale assument 100 % de la facture.

Les villes laissées pour compte ne peuvent plus tolérer l’iniquité fiscale qui en découle et qui préjudicie à leurs citoyens contribuables qui payent en double. Les villes dotées d’un corps de police municipale devraient pouvoir profiter d’un arrangement fiscal comparable aux municipalités desservies par la SQ. Une fois cette question réglée correctement, il sera plus facile d’échanger sur l’organisation de nos services policiers.

La FPMQ considère que les niveaux de service établis par la réglementation actuelle demeurent pertinents et n’ont pas besoin d’être révisés. Dans leur forme actuelle, les niveaux de services sont adaptés aux besoins du terrain et garantissent l’efficacité des interventions policières.

Quant au partage d’équipements, de services de détention, de transports, de services de soutien ou de mesures d’urgence, la matière est déjà couverte par l’article 70 LP et il appartient aux autorités compétentes d’y pourvoir, sans négliger d’impliquer dans leurs projets les associations représentatives des policiers, à toutes fins utiles.

Pour ce qui est des services d’enquêtes, le système d’escouades mixtes fonctionne très bien. La FPMQ est d’avis que c’est la voie que doit continuer de privilégier le gouvernement pour contrer le crime organisé. Il appartient à l’État de financer les activités de ces escouades.

Quant à la criminalité locale, elle ne sera jamais mieux combattue que par des enquêteurs locaux qui connaissent le milieu. Il n’y a pas de partage possible et utile à cet égard.

Par contre, certaines mesures devraient être envisagées pour améliorer l’organisation des services policiers sur le territoire québécois, à la lumière de l’expérience des vingt (20) dernières années, depuis la réforme de 2000.

Outre la question du financement, ces mesures devraient essentiellement favoriser et faciliter les ententes intermunicipales, en permettant, notamment, qu’un corps de police municipale puisse fournir des services à une ville limitrophe, indépendamment de son niveau de population. La loi devrait également permettre aux municipalités régionales de comté ainsi qu’aux municipalités régionales de comté d’agglomération de créer et maintenir un corps de police municipale, pourvu qu’il puisse desservir une population de 50 000 habitants ou plus.

La FPMQ propose donc de modifier en ce sens les articles pertinents de la LP.


1 Le Tribunal administratif du travail tranchera cette question, mais puisque le maire de Mont-Tremblant a déclaré publiquement en décembre 2019 que l’abolition du service avait pour objectif de régler le conflit de travail, il est assez clair que c’est l’objectif de la ville.

2 Coût sans les frais d’intégration temporaires

3 Il est important de comprendre que puisque la formule actuellement utilisée pour calculer le coût de la SQ ne prend en compte que le niveau 1, il faut donc procéder à cet ajustement pour rendre la comparaison équitable. Nous estimons l’ajustement à 199M$. Pour déterminer ce montant, nous avons fait une proportion à partir du montant accordé par le gouvernement du Québec pour les services supplétifs de la SQ. Ainsi, nous avons pris le montant total et l’avons divisé par la population totale du Québec, puis nous l’avons multiplié par la population des villes ayant un service de police de niveau 3 ou plus. De cette façon, nous avons un portait beaucoup plus réaliste de ce que coûterait une desserte policière de la SQ pour ces grandes villes.

4 Ce montant ne représente pas seulement la rémunération, mais aussi le coût relatif à l’équipement que ce policier a besoin.